Nice Matin, jeudi 21 octobre 2010
Nicolas Dupont-Aignan, c’est d’abord, l’homme du non. Ou plutôt l’homme des « non » et des ruptures. En 1992 déjà, avec Philippe Seguin, il fait campagne contre le traité de Maastricht alors que la droite RPR-UDF dans sa majorité martèle l’inverse. Sept ans plus tard, rebelote : après s’être prononcé contre la ratification du traité d’Amsterdam, voulue par le Président Chirac, le député de l’Essonne est suspendu de ses fonctions de secrétaire aux fédérations du RPR. Dupont-Aignan fonde alors le club Debout la République, quitte le parti gaulliste pour rejoindre Pasqua et de Villiers qui viennent de lancer le RPF. L’entente ne durera guère. Le jeune parlementaire claque la porte pour se rapprocher de... Jean-Pierre Chevènement, alors exilé du PS. On est en 2001. Depuis, l’ancien chef de cabinet de François Bayrou a cultivé un certain esprit rebelle : en 2002, il se présente à la direction de l’UMP face à Alain Juppé puis contre Nicolas Sarkozy deux ans plus tard.
Pour enfoncer le clou, Dupont-Aignan fait entendre ses différences en appelant à voter « non » lors du référendum sur la Constitution européenne de 2005. Le divorce est consommé : en 2007, il rompt avec l’UMP, convaincu que son destin sera élyséen. En 2012, il sera candidat à la présidentielle, déterminé à « porter la voix de la France libre ». Celle qui dira non à l’Euro, à l’immigration galopante et au chômage. Pour se faire entendre, il va devoir trouver sa place entre le FN, pas si éloigné de ses thèmes de campagne, et le rouleau compresseur UMP.
Nicolas Dupont-Aignan : "Les Français sont dans une nasse"
Vous prônez la sortie de l’euro, c’est aussi une des thèses du Front National...
Que le FN dise la même chose que moi, ça ne me dérange pas. Plus nous serons nombreux mieux ce sera.Vous pourriez faire campagne commune avec le FN ?
Non, parce qu’on n’est pas le même parti et qu’on n’est pas d’accord sur tout. En revanche si tous les Français qui veulent la liberté de la France se rassemblent un jour ça fera du monde et nous serons majoritaires.
Comment faire pour qu’une partie de l’électorat UMP n’aille pas vers le FN mais plutôt vers vous ?
Les voix qui partent au Front sortent du jeu politique. Cela arrange le PS et l’UMP, parce que ça stérilise ces voix. Si en revanche elles viennent sur moi qui suis dans le jeu, je pense qu’on peut faire bouger les choses, sans exclure les uns ou les autres.
Pour récupérer ces voix du FN il faut qu’il y ait des différences avec vous. Où sont-elles ?
Je suis pour le rassemblement de tous les Français qui respectent la loi républicaine, et je ne fais pas de différence entre les Français récents et pas récents. Moi je propose une politique, nationale, sociale, républicaine.
Pour porter cette politique, serez-vous candidat à l’élection présidentielle en 2012 ?
Bien sûr, je vous le confirme. Je serai le candidat de la liberté de la France.
C’est difficile de faire entendre sa voix sans être dans un grand parti. Comment allez-vous vous y prendre ?
Comme j’ai commencé. C’était beaucoup plus difficile il y a trois ou quatre ans. Aux Européennes les sondages nous mettaient à 0,5 % et on a fait quatre fois plus. Aux Régionales on nous donnait à 1 %, on a fait 4,5. On va continuer. On y arrivera, parce qu’aujourd’hui les Français commencent à réaliser qu’ils sont dans une nasse.
Vous passerez des alliances, avec Villepin ou Bayrou par exemple ?
Les alliances n’ont de sens que si l’on va aux causes du mal français. DSK, Bayrou ou Villepin au pouvoir ne résoudront rien, parce qu’ils ne veulent pas remettre en cause les données du problème. Je suis le seul à proposer une voie d’indépendance du pays, républicaine, non extrémiste.
Nicolas Dupont-Aignan : retraites, "Sarkozy joue avec le feu"
Face à la radicalisation du mouvement et aux blocages, Nicolas Sarkozy joue la carte de la fermeté. Est-ce la bonne réponse ?
Que le désordre ne s’empare pas du pays, c’est la moindre des choses. Mais il faut s’interroger sur les causes de ce désordre. J’aimerais que le gouvernement, au-delà de ces positions martiales justifiées, s’interroge sur l’importance de cette crispation. Les Français sont prêts à une réforme des retraites. J’ai moi-même accepté le passage à 62 ans au lieu de 60. En revanche, je pense comme beaucoup que le gouvernement, en ne voulant pas négocier sur le passage de 65 à 67 ans, pousse à la radicalisation et joue avec le feu.
Mener à bien cette réforme est quand même courageux de la part de Nicolas Sarkozy...
La réforme des retraites est une posture pour le Président de la République qui veut faire croire qu’il est ferme et pour la gauche qui veut faire croire qu’elle défend le peuple. Ni les uns ni les autres ne s’occupent de la question clé : comment créer un million d’emplois qui permettraient de payer nos retraites ?
Le Président doit-il faire marche arrière ?
Ce n’est pas une question de marche arrière ou de marche avant. Si on veut que la France se remette au travail et que cette réforme soit utile, il faut qu’elle soit juste. S’il y a tant de gens dans la rue, ce n’est pas seulement à cause de la réforme des retraites, c’est en réaction à l’incapacité du gouvernement à regarder en face le phénomène du chômage de masse. Comment voulez-vous que nos concitoyens comprennent comment ils vont pouvoir travailler jusqu’à 67 ans quand le premier boulot est à 30 ans et que vous êtes chômeur à 49 ans. C’est cela, la réalité. Les Français ne sont pas angoissés à l’idée de travailler plus. La vraie question, c’est le chômage.
Quelle sera selon vous l’issue de cette crise ?
Je ne suis pas Mme Soleil. Je souhaite que les casseurs soient interpellés, que la France ne soit pas bloquée. Cette première éruption volcanique qui en annonce peut-être beaucoup d’autres est une crispation politique sans intérêt, c’est un pays qui donne une image déplorable, ce sont des PME, des commerçants, des artisans, des travailleurs qui souffrent. Pendant ce temps-là, on passe à côté d’une catastrophe économique bien plus importante que les grèves : depuis un mois, l’euro a augmenté de 10 %, ce qui veut dire moins 0,4 % de croissance et des dizaines de chômeurs en plus. Mais ça, personne n’en parle.
Si la réforme va à son terme, Nicolas Sarkozy peut-il en tirer un bénéfice électoral ?
Un Président de la République n’est pas un élu comme un autre. Il doit rassembler le peuple français autour d’une grande ambition. Or, depuis le départ, il ne se comporte pas comme un Président de la République. Il dit des choses très justes. J’en approuve certaines et j’ai voté pour lui en 2007. Pour autant, ce quinquennat devient une bouffonnerie. C’est triste.